LA GÉRANCE DE FAIT – CRITÈRES ET SANCTIONS – Deuxième Partie

La qualité  de gérant de fait est caractérisée par l’immixtion dans des fonctions déterminantes pour la direction générale de l’entreprise. Est gérant de fait celui qui est le véritable animateur de la société. Ainsi, de nombreux indices sont utilisés pour déterminer la gérance de fait :

  • direction des affaires sociales ;
  • signature des documents commerciaux et administratifs ;
  • engagements bancaires ;
  • réalisation d’opérations d’acquisition importantes, etc.

Ainsi selon les divers arrêts rendus par la Cour de cassation, le dirigeant de fait se définit comme « celui qui en toute indépendance et liberté exerce une activité positive de gestion et de direction et se comporte, sans partage, comme « maître de l’affaire » (Cour de Cassation. .Com.10/10/1995).

Il va exercer cette « activité positive de gestion et de direction de l’entreprise sous le couvert et au lieu et place du représentant légal » (Cour de Cassation .Crim.12/09/2000).

En quelque sorte, le dirigeant de fait va exercer toutes les attributions qui sont dévolues au dirigeant de droit alors qu’il Cette notion relève du pouvoir souverain des juges du fond, ils vont regarder la réalité des faits pour retenir ou non l’existence d’un dirigeant de fait

Ils vont devoir caractériser un faisceau d’indices. Il n’existe pas un seul critère permettant de détecter formellement un dirigeant de fait.

En somme, l’attribution de la qualité de dirigeant de fait à une personne suppose que celle-ci a indûment participé à la gestion de la société, qu’elle a violé le principe de non immixtion dans la gestion de cette société. L’immixtion dans la gestion de la société est l’exercice indu, par une personne, du pouvoir que le droit reconnaît normalement au dirigeant social régulièrement désigné. Elle est l’élément matériel de l’irrégularité du pouvoir de gestion du dirigeant de fait. Il n’est pas inintéressant d’examiner comment s’établit l’immixtion d’une personne dans la gestion de la société pour, éventuellement, attribue à l’auteur de cette immixtion, la qualité de dirigeant de fait car cela permet de vérifier si les tribunaux apprécient la violation de la défense d’immixtion dans la gestion de la société selon les mêmes critères, lorsque la société dirigée est in bonis et lorsqu’elle est en difficulté.

L’immixtion dans la gestion de la société est une question de fait soumise, comme telle, à l’appréciation souveraine des juges du fond. La Cour de cassation ne contrôle que la motivation  des juges du fond. L’immixtion se présente sous des formes très diversifiées. Il est possible de dégager les principaux comportements qui la caractérisent. En général, l’immixtion d’une personne dans la gestion d’une société s’effectue par l’empiétement du pouvoir de contrôle sur le pouvoir de gestion de la société (§1) et par le débordement des fonctions techniques sur les fonctions directoriales (§2). L’examen des arrêts qui se prononcent sur l’attribution de la qualité de dirigeant de fait à une personne doit permettre de préciser si la situation de la société dirigée en fait influence ou non l’appréciation de l’immixtion par les juges.

L’empiétement du pouvoir de contrôle sur le pouvoir de gestion

Les personnes qui exercent le pouvoir de contrôle ou de surveillance dans une société peuvent être tentées de sortir de leur rôle pour participer à la gestion de la société en lieu et place des dirigeants sociaux ou conjointement avec ces derniers, soit pour palier la défaillance des dirigeants sociaux, soit pour mieux vieller à la protection de leurs propres intérêts. L’immixtion résulte alors de l’empiétement du pouvoir de contrôle sur le pouvoir de gestion. Souvent, une telle immixtion dans la gestion de la société est réalisée par les associés (A) es-qualité ou par les organes de contrôle (B).

L’IMMIXTION DES ASSOCIES DANS LA GESTION DE LA SOCIÉTÉ

Lorsqu’elle est réalisée par les associés, l’immixtion est généralement le fait de ceux dont la participation au capital social est importante car ils ont une grande influence dans la société et peuvent jouir de l’autorité nécessaire à l’accomplissement des actes de gestion. Il s’agit des associés majoritaires et de l’associé unique (1).

L’appartenance à un même groupe de sociétés peut aussi constituer un facteur qui facilite

L’intervention d’une société dans la gestion d’une autre. Cette immixtion dans la gestion

des sociétés groupées (2) doit aussi être examinée.

1- L’immixtion des associés majoritaires et/ou unique dans la gestion de la société

La définition de l’associé et de ses pouvoirs de contrôle doit être rappelée avant d’examiner comment la jurisprudence caractérise l’immixtion des associés majoritaires et de l’associé unique dans la gestion, lorsque la société est in bonis et lorsqu’elle est en difficulté.

En l’absence de définition légale, l’associé est défini, en règle générale, en considération du contrat de société comme la personne qui a fait apport à la société en vue de participer aux bénéfices et aux pertes et qui est animée de l’affectio societatis. Ses obligations principales sont la libération des apports et la contribution aux pertes. Ses prérogatives essentielles consistent en sa participation au fonctionnement et aux résultats de la société. L’associé peut être employé en qualité de salarié  dans la société ou la diriger s’il a été régulièrement choisi pour exercer ce dernier pouvoir.

Le pouvoir inhérent à la qualité d’associé est le pouvoir de contrôle de l’activité des dirigeants sociaux. Lorsqu’il exerce son pouvoir de contrôle, à l’extérieur ou au sein des organes de contrôle tels l’assemblée générale ou le conseil de surveillance, l’associé ne doit pas empiéter sur les prérogatives des dirigeants sociaux. L’associe même majoritaire ou unique, ne doit pas s’immiscer dans la gestion de la société. A défaut, il court le risque d’être considéré comme un dirigeant de fait  avec les conséquences que cette qualification peut lui imposer. Mais en pratique, l’activité de contrôle des associés majoritaires ou unique flirte parfois avec l’exercice des prérogatives du dirigeant social. La difficulté est alors de séparer le contrôle strict de l’immixtion dans la gestion de la société.

IMMIXTION ES-QUALITÉ OU PAR LES ORGANES DE CONTRÔLE

Pour les tribunaux, « la qualité d’associé, même majoritaire, n’emporte pas nécessairement celle de dirigeant de fait, car, elle ne peut être considérée en elle-même comme impliquant une participation effective à la gestion sociale ». Cela signifie qu’un associé même majoritaire ne peut être qualifié de dirigeant de fait que s’il s’est immiscé dans la gestion de la société. En ce qui concerne l’associé unique, la Cour de cassation réaffirme, dans un arrêt rendu le 12 juillet 2005, qu’à défaut de rapporter la preuve d’une immixtion dans la gestion de la société, l’associé unique d’une société à responsabilité limitée ne peut être considéré comme le dirigeant de fait de cette société. En l’espèce, la société était en difficulté. Lorsque la société est in bonis et que la qualité de dirigeant de fait est recherchée à l’égard d’un associé unique ou majoritaire, la juridiction saisie exige également que soit établie la preuve d’une immixtion de cet associé dans la gestion de la société.

Ainsi, que la société soit soumise à une procédure collective d’apurement du passif ou qu’elle soit in bonis, la jurisprudence affirme de façon constante que la direction de fait et, partant, la qualité de dirigeant de fait, ne résultent pas de la qualité d’associé majoritaire ou unique d’une société mais de la participation active et indue de cet associé à la gestion de la société. La qualité d’associé majoritaire ou unique d’une société n’implique pas que l’intéressé dirige cette personne morale. Mais elle fournit le moyen de l’immixtion dans la gestion ou du moins la facilite car un tel associé jouit d’une influence considérable dans la société et il peut utiliser cet avantage pour exercer les pouvoirs reconnus aux dirigeants sociaux. Par conséquent, il appartient aux juridictions du fond d’effectuer un tri entre ce qui est caractéristique de l’exercice strict des pouvoirs reconnus à l’associé et ce qui traduit une immixtion  dans la gestion de la société ; la preuve de l’immixtion devant être rapportée selon les mêmes critères, que la personne morale soit soumise à une procédure collective d’apurement du passif ou qu’elle fonctionne normalement.

Pour décider qu’un associé s’est immiscé dans la gestion de la société, les juges du fond doivent établir que les agissements qui lui sont imputables constituent des actes positifs de gestion. Dans une espèce où la société n’était pas soumise à une procédure collective d’apurement du passif, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir retenu que l’associé majoritaire d’une société s’était immiscé dans la gestion de cette personne morale en assurant son administration et ses relations avec les banques, les fournisseurs et les clients au moyen d’une procuration. De même, un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 septembre 2006 approuve les juges du fond d’avoir reconnu l’immixtion de l’associé majoritaire d’une société en liquidation judiciaire en établissant « qu’il signait les documents administratifs de la société et en particulier les déclarations fiscales (…); qu’il disposait de la signature en banque… »

Selon la Cour de Cassation, Cass. com. 12 juill. 2005, Bull. Joly 2006, n° 1, p. 34 (liquidation judiciaire de l’associé unique en qualité de dirigeant de fait, cassation parce que motifs impropres à caractériser la direction de fait). V. aussi, Cass.com. 4 mars 2003, n° 01-01.115, Lamyline, 26/06/2003, n’a pas donné de base légale à sa décision, la Cour d’Appel .qui, pour condamner le prévenu, en qualité de dirigeant de fait, retient notamment qu’il est à l’origine de l’intégralité du capital social, caractérisant ainsi, selon elle, un rôle particulièrement déterminant dès la constitution de la société.

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