Expatriés français : attention au risque de rattachement fiscal involontaire à la France

Partir vivre aux Émirats arabes unis, en Israël, à Singapour ou aux États-Unis, ou ailleurs hors de l’hexagone, est un véritable nouveau départ familial et économique pour de nombreux Français. La vigueur du  débat actuel sur la taxe Zucman qu’elle aboutisse ou pas, ne fait qu’annoncer les prémisses d’un nouvel essorage des classes moyennes confrontées à une inflation inéluctables des dépenses publiques et à un manque de courage politique incurable.  C’est pourquoi alors que  sur le plan fiscal, quitter la France ne garantit pas automatiquement que vous cessiez d’y être imposable pour toujours. En effet, même en résidant à l’étranger, un expatrié français peut sans le savoir rester résident fiscal de la France, avec des conséquences potentiellement lourdes.

 Il est donc crucial de comprendre les critères qui déterminent la résidence fiscale, d’anticiper les conséquences d’un rattachement involontaire, de connaître le rôle des conventions fiscales internationales, et de suivre quelques conseils pratiques pour éviter les pièges. Cet article vous guide pas à pas sur ces points CLES.

RAPPEL DES CRITÈRES DE RATTACHEMENT FISCAL A LA FRANCE

Le Code général des impôts (CGI) définit précisément les critères de domiciliation fiscale en France. Selon l’article 4 B du CGI, une personne est considérée comme ayant son domicile fiscal en France dès lors qu’elle remplit au moins un des critères suivants :

Foyer ou lieu de séjour principal en France : c’est le critère familial et de présence. Si votre foyer (votre lieu de résidence habituel, incluant conjoint/partenaire et enfants) demeure en France, vous êtes fiscalement domicilié en France. De même, si vous n’avez pas de foyer identifiable mais que vous séjournez en France plus de 183 jours par an, la France est considérée comme votre lieu de séjour principal. Attention : la règle des 183 jours n’est pas un critère absolu en soi – elle s’applique surtout si aucun foyer fixe n’est déterminé. En pratique, si vous êtes célibataire sans enfant, le lieu où vous vivez habituellement (hors déplacements professionnels) définit votre foyer.

Activité professionnelle principale en France : si vous exercez en France votre activité professionnelle à titre principal (salariée ou non), vous restez résident fiscal français. L’activité principale s’entend de celle qui occupe la majeure partie de votre temps ou qui procure l’essentiel de vos revenus. Une activité exercée à titre accessoire en France n’est pas prise en compte.

Centre des intérêts économiques en France : ce critère vise la localisation de vos activités et investissements principaux. Si la France est le lieu de vos principaux investissements, le siège de vos affaires, ou le lieu d’où vous tirez la majeure partie de vos revenus, alors votre “centre des intérêts économiques” est en France.

Ces critères sont alternatifs : il suffit d’en remplir un seul pour être considéré comme résident fiscal de la France. À l’inverse, pour cesser d’être résident fiscal français, il faut qu’aucun de ces critères ne s’applique plus (tout en respectant, le cas échéant, les dispositions des conventions internationales).

CONSEQUENCES FISCALES D’UN RATTACHEMENT INVOLONTAIRE

Être considéré par surprise comme résident fiscal français alors qu’on pensait en avoir fini avec l’impôt français peut entraîner des conséquences significatives :

Imposition de vos revenus mondiaux : Une personne fiscalement domiciliée en France est imposable en France sur l’ensemble de ses revenus, y compris ceux de source étrangère. Cela signifie que si vous êtes toujours résident pour Bercy, vous devrez déclarer en France non seulement vos revenus de source française, mais aussi vos salaires, intérêts, dividendes, plus-values, etc., gagnés à l’étranger.

Risque de double imposition : En cas de conflit de résidence entre la France et votre pays d’accueil, vous pourriez être considéré comme résident par les deux pays. Sans mesures correctives, cela conduit à une double imposition. Heureusement, les conventions fiscales internationales prévoient généralement des mécanismes pour éviter ces doubles ponctions.

Redressements et sanctions : Ne pas se savoir résident fiscal français peut conduire à des omissions de déclaration. Par exemple, si vous ne déclarez pas en France vos revenus étrangers pensant, à tort, ne plus y être résident, l’administration fiscale peut ultérieurement opérer un redressement fiscal. Celui-ci consistera à vous réclamer les impôts non payés sur vos revenus mondiaux, avec des intérêts de retard et possiblement des pénalités.

En somme, un rattachement non désiré à la France entraîne l’imposition en France de tous vos revenus, avec le risque de payer deux fois l’impôt et de subir des régularisations douloureuses a posteriori.

LE RÔLE DES CONVENTIONS FISCALES INTERNATIONALES (EAU, ISRAËL, SINGAPOUR, USA)

Heureusement, pour atténuer ces risques, la France a signé des conventions fiscales bilatérales avec la quasi-totalité des pays du monde, dont les Émirats arabes unis, Israël, Singapour et les États-Unis. Ces « conventions de non-double imposition » ont plusieurs objectifs : déterminer où une personne sera considérée comme résidente fiscale en cas de conflit et répartir le droit d’imposer tel ou tel revenu entre les deux États, de façon à éviter la double imposition.

Résidence fiscale unique (tie-breaker) : Les conventions fiscales comportent généralement un article dit de « résidence » qui s’applique si, selon les lois internes, vous êtes résident des deux pays à la fois. Ce dispositif utilise des critères successifs pour trancher en faveur d’un seul pays (foyer permanent, centre des intérêts vitaux, pays du séjour habituel, nationalité).

Répartition du droit d’imposer et crédits d’impôt : Les conventions définissent quel pays a la priorité pour taxer chaque type de revenu (salaires, retraites, intérêts, dividendes, gains immobiliers, etc.), puis prévoient des mécanismes pour éliminer la double imposition, souvent via un crédit d’impôt.

Concrètement, les conventions fiscales France-EAU (1989)France-Israël (1995)France-Singapour (2015) ou France-USA (1994) sont vos alliées pour clarifier votre situation. Elles priment sur le droit interne et peuvent vous protéger d’une double imposition injuste. Cependant, leur bonne application nécessite souvent des démarches de votre part (par exemple, fournir un certificat de résidence fiscale étranger pour prouver votre statut auprès des autorités françaises).

EXEMPLES DE CAS PROBLÉMATIQUES

Foyer resté en France : Marie, expatriée aux États-Unis, laisse en France son mari et ses deux enfants. Son foyer familial demeure en France, ce qui suffit à la qualifier de résidente fiscale française. Les USA la considèrent également comme résidente. La convention fiscale tranche en faveur des USA, mais faute de justificatifs, la France a réclamé l’impôt sur ses revenus mondiaux.

Conserver un logement en France : Jean, entrepreneur expatrié à Singapour, garde un appartement à Paris et continue de gérer des affaires depuis la France. Bien qu’il passe moins de 183 jours en France, il a gardé un pied-à-terre et des activités économiques. La France peut estimer que son centre d’intérêts économiques reste français.

Changement de statut : Léa, installée à Dubai, crée une société de conseil avec un associé français. Son centre d’intérêts économiques redevient en partie en France, et comme les Émirats n’imposent pas les revenus, la France lui réclame l’impôt sur ses revenus mondiaux.

Confusion sur la résidence : David, expatrié en Israël, pensait être résident israélien grâce au régime des nouveaux immigrants. Comme Israël ne l’imposait pas sur ses revenus étrangers, la France a considéré qu’il restait résident fiscal français et a réclamé l’impôt sur ses placements.

CONSEILS PRATIQUES POUR LIMITER LES RISQUES DE RATTACHEMENT FISCAL

>Organisez clairement votre départ : signalez votre changement de résidence fiscale à l’administration française et enregistrez-vous auprès du Service des impôts des non-résidents.

>Obtenez un certificat de résidence fiscale dans votre pays d’accueil et communiquez-le aux autorités françaises et à vos établissements payeurs.

>Conservez des preuves de votre vie à l’étranger : contrat de travail, bail de logement, factures, relevés bancaires, titres de séjour, etc.

>Limitez vos attaches économiques avec la France : réduisez vos comptes bancaires, louez ou vendez vos biens immobiliers inoccupés, déléguez la gestion de vos affaires.

>Faites-vous conseiller par un expert fiscal pour analyser votre situation et appliquer correctement les conventions fiscales.

>Respectez bien vos obligations déclaratives : même non-résident, déclarez vos revenus de source française.

Le risque de rattachement fiscal involontaire à la France est bien réel pour les expatriés, mais il peut être maîtrisé. Retenez que la France considère comme résident fiscal toute personne qui y conserve son foyer, une présence significative, son activité principale ou ses intérêts économiques. Les conséquences sont lourdes : imposition mondiale, doubles prélèvements et redressements potentiels. Heureusement, les conventions fiscales offrent un cadre pour éviter ces écueils, encore faut-il les activer correctement.

La clé, c’est l’anticipation et la prudence. Avant votre départ, informez-vous sur votre statut fiscal, signalez votre changement de résidence et préparez votre installation de manière à transférer le centre de votre vie hors de France. Pendant l’expatriation, conservez des justificatifs, restez en règle dans vos déclarations et utilisez les conventions. En cas de doute, faites appel à des professionnels.

En respectant ces précautions, vous pourrez profiter sereinement de votre vie à l’étranger sans mauvaises surprises fiscales.

**Pour plus d’infos

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006304433 (Article 4 B du CGI – Critères de domiciliation fiscale)

https://www.impots.gouv.fr/international-particuliers (Portail officiel de la fiscalité internationale des particuliers)

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F62 (Service Public – Résidence fiscale)

https://www.impots.gouv.fr/particulier/depart-de-france-et-fiscalite (Impôts.gouv.fr – Départ de France et fiscalité)

https://www.impots.gouv.fr/particulier/conventions-fiscales (Liste des conventions fiscales internationales de la France)

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