L’ABUS DE DROIT EN MATIÈRE FISCALE Première Partie. Définitions et prix de transfert

La théorie de l’abus de droit en matière fiscale est suffisamment spécifique  pour mériter de l’isoler des autres disciplines du droit.

Cette théorie fait aujourd’hui l’objet d’une typologie binaire, puisqu’il existe deux types d’abus de droit fiscal : l’abus de droit fictif (qui se scinde lui-même en deux) et l’abus par fraude à la loi qui depuis 2008 bénéficie d’une assise l’égale mais qui fait à ce jour toujours l’objet de débats. Tous les deux types d’abus sont soumis aux mêmes garanties.

  1. L’ABUS DE DROIT FICTIF

L’article L.64 CGI le considère comme « l’abus de droit du pauvre » du fait qu’il se caractérise par l’emploi d’un mensonge juridique entraînant un décalage entre l’apparence de l’acte et la réalité afin de tromper. C’est une forme d’abus qui peut se scinder en deux parties

I.1. L’abus de droit fictif par la fictivité

La fictivité en matière fiscale consisterait à titre d’exemple à recourir à une société pour un montage réduisant le montant de l’impôt. Ce serait le cas d’une SCI qui opèrerait une transmission de patrimoine familial.

I.2. L’abus de droit fictif par la Dissimulation

L’abus de droit par la dissimulation serait caractérisé par le cas d’un acte qui en cacherait un autre. Pour exemple, une convention de vente qui dissimulerait une donation, une opération dans laquelle une personne transfère la propriété d’un bien de façon désintéressée à titre gratuit

  1. L’ABUS DE DROIT PAR FRAUDE A LA LOI

En contraste avec « l’abus de droit du pauvre «  que constitue l’abus de droit fictif, l’abus de droit par fraude à la loi vise spécifiquement des montages audacieux et sophistiqués face auxquels l’ADMINISTRATION FISCALE est parfois totalement démunie.

II.1.  L’évolution du mécanisme général d’abus de droit par fraude à la loi (à l’article L.64 CGI et autres)

L’arrêt CE 10 Juin 1981 n°19079 vient poser la fraude à la loi comme un critère alternatif à l’abus de droit.

Cependant la notion jurisprudentielle de fraude à la loi se distinguait encore de la rédaction de l’article L64 CGI. L’arrêt Conseil d’État, Section du Contentieux, Société JANFIN, du 27/09/2006, n°260050 pose une assise légale de l’abus de droit par fraude à la loi.

Dans cette affaire le Conseil d’Etat avait approuvé l’ADMINISTRATION FISCALE qui contestait que la Société Janfin, après l’attribution des dividendes et des crédits d’impôt (dont elle bénéficiait au titre d’un avoir fiscal du fait de sa participation dans la société distributrice)  avait cédé les titres de cette société quelques semaines plus tard.

La participation ne poursuivait qu’un objectif exclusivement fiscal :le crédit d’impôt,  et non la participation. Ce qui est bien formellement légal. Ce que l’ADMINISTRATION FISCALE cherchait à sanctionner était donc la motivation exclusivement fiscale de la Société.

Aussi le problème majeur dans l’arrêt JANFIN c’est que l’abus ne pouvait être retenu au titre de l’article L64 du CGI, ce dernier prévoyant que l’abus de droit n’était limité qu’aux abus relevant de l’assiette. Or dans le cas présent l’abus était caractérisé par un crédit d’impôt relevant d’une liquidation.

C’est finalement l’article 35 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2008 qui va venir consacrer l’évolution prétorienne en permettant une refonte de l’article L.64 du LPF et permettre ainsi à l’administration une lutte plus effective contre la fraude fiscale en introduisant l’abus de droit par fraude à la loi dans l’article L64 du CGI et en avalisant l’extension de l’assiette aux opérations de liquidation.

II.2. Sur la mise en œuvre de l’abus de droit par fraude à la loi et des Clauses « Anti-Abus ».

Les parlementaires  pour le Projet de Loi de Finance 2014, ont créé un amendement guidés par l’ADMINISTRATION FISCALE proposant de changer le terme « exclusivement » par « essentiellement fiscal ». Cela aurait supposé que le but de l’abus par la fraude devait « avant tout être fiscal même si il y avait un avantage financier subsidiairement. » Cette entreprise de réforme a échoué et le Conseil Constitutionnel a été saisi sur la constitutionnalité de cette disposition. Considérée comme contraire à la Constitution car violant le principe  de légalité et de délit des peines et constitue une violation du principe de l’intelligibilité et accès à la loi  rendant presque impossible la distinction entre habileté fiscale et fraude.Après cet échec cuisant, l’ADMINISTRATION FISCALE a pu compter sur l’échappatoire européen. Chronologiquement :

La clause Anti-abus : un dispositif réservé au régime des Sociétés « Mère-Fille »

La Directive du 27 juillet 2015 a permis l’avènement de la« Clause Anti-abus » – transposée dans art. 145 al. 6 k CGI . Cette clause permet à l’ADMINISTRATION FISCALEd’invoquer l’abus de droit uniquement dans le cas particulier du régime mère-fille. Elle s’articule à l’abus de droit de l’artilce L64 CGI avec un champ d’application différent (uniquement pour le dispositif mère-fille). L’intérêt énorme réside dans le fait que pour le faire jouer, l’ADMINISTRATION FISCALEn’a besoin de prouver que les parties ne poursuivaient qu’un but d’objectif « PRINCIPALEMENT  fiscal».

En revanche sur le terrain de la sanction, pas forcément d’intérêt car il n’y a pas de sanction particulière ou de majoration en dehors de la remise en cause du montage.

L’expansion du champ d’action de la Clause Anti-Abus

Attention : depuis la Loi de Finances pour 2019, y a été transposée la Directive Européenne ATAD du 12 Juillet 2016, intégrant ces clauses « anti-abus » applicables aux montages « non authentiques » des sociétés et n’est pas limitée au régime mère-fille. Pour transposer cette Directive, l’article 108 de la Loi de Finance ajoute l’article 205 A du Code Général des Impôts, reprenant mot à mot le texte de la Directive.

« Pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés, il n’est pas tenu compte d’un montage ou d’une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable, ne sont pas authentiques compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents. Un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties.

Aux fins du présent article, un montage ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique. »

Cette réforme est applicable depuis le 1er janvier 2019 et porte donc exclusivement sur l’impôt sur les sociétés. Elle vient se cumuler aux mesures d’ores et déjà présentes et plus générales.

Pour pouvoir appliquer la clause anti-abus, il n’est plus nécessaire de démontrer un objectif « exclusivement » fiscal. Il suffit que cet abus soit à titre d’objectif principal ou « au titre d’un des objectifs principaux ».

II.3. Un mécanisme spécial plus souple en matière de prix de transferts prévu par l’article L57 du Livre des Procédures Fiscales.

Si l’article L64 CGI reconnaît l’abus de droit caractérisé par la fraude à la loi, des mécanismes spéciaux de lutte sont prévus en matière de prix de transferts. L’article L57 du Livre des Procédures Fiscales ou LPF prévoient que des transactions conclues à des conditions anormales et en méconnaissance des conditions de marché permette à l’ADMINISTRATION FISCALE d’adresser une proposition de rectification motivée ou de faire connaître son acceptation même si l’abus de suit pas un but exclusivement fiscal tel que l’article L.64 CGI l’exige (Le texte spécial dérogeant au principe général, l’ADMINISTRATION FISCALE doit appliquer ce texte au lieu de L64 qui n’a qu’une portée générale.)

Lorsque l’ADMINISTRATION FISCALE se positionne sur l’abus de droit pour fraude, elle a une charge probatoire compliquée. L’ADMINISTRATION FISCALE doit chercher que les parties à l’acte ne l’ont conclu que dans un objectif exclusivement fiscal. C’est une tâche ardue, car l’ADMINISTRATION FISCALE doit montrer que toutes ces opérations (ex : transfert / donation)  n’avaient qu’un seul et unique but fiscal et dans les cas de restructuration, la société pourra toujours avancer comme contre-argument que c’est pour but se maintenir. .

Le Cabinet BB&A peut vous éclairer utilement sur la notion d’abus de droit en matière fiscale dont l’évolution et les conditions nécessitent une veille permanente.

En savoir plus

contact humain très chaleureux, toujours à l'écoute de son client, très réactif aux demandes, prend en compte l'avis du client. Très sérieux dans l'étude des dossiers = efficacité

Jacques Rosilio

Excellent cabinet, très professionnel. Avocat expert en son art, merci pour les parties d'échecs. Vive recommandation, aussi bien à titre personnel que professionnel.

Nathan Laufer

Cabinet très très professionnel, Mr Bensussan et ses collaborateurs excellent dans leur travail, toujours disponible, réactive et donneurs de bons conseils.

Traf Traf

Un cabinet faisant preuve d'une humanité rare ainsi que d'un professionnalisme exceptionnel. Lors de mes visites, l'approche ne se limitait pas au traitement basique des dossiers mais à une réelle stratégie

Pierre Barre

Nous contacter

« * » indique les champs nécessaires

Name*